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    Parfum de femme

     

    Film italien de Dino RISI (1975)

    Avec Vittorio Gassman, Agostina Belli, Alessandro Momo

    Titre original : Profumo di donna

    Synopsis

     

    Sept ans auparavant, alors capitaine de cavalerie, Fausto Console (Vittorio Gassman), capitaine en retraite a perdu la vue en manipulant une bombe lors de grandes manoeuvres.

     

    Il décide d'aller à Naples retrouver son ami Vincenzo, lui-même aveugle ; il se fera accompagner dans ce voyage par le jeune soldat en permission Giovanni Bertazzi (Alessandro Momo).

     

    Il se montre en permanence agressif pour cacher son amertume et s'amuse à mal se conduire en public ; grand amateur de femmes il décèle leur présence grâce à leur parfum.

     

    Ils partent en train de Turin et la première étape est Gênes où Fausto décide de passer quelques heures avec une prostituée (Moira Orfei).

     

    La seconde étape du voyage est Rome où Fausto parle avec son cousin prêtre de sa condition physique. Finalement, à Naples, on découvre que Fausto est courtisé par la jeune Sara (Agostina Belli) qui voudrait à tout prix s'occuper de lui, ce que le capitaine ne supporte pas.

     

    C'est seulement vers la fin du film que l'on comprend les vraies intentions de Fausto et de Vincenzo : ils essaient maladroitement de se suicider mais la peur les empêchera d'y arriver. À ce moment là, seulement, Fausto comprend l'affection réelle de Sara et accepte son aide.

     

    Au Festival de Cannes 1975, Vittorio Gassman a obtenu le prix d'interprétation pour sa superbe prestation dans le filme. (César du meilleur film étranger 1976)

     

    Mon petit commentaire

     

    Ce film fait partie de mes bagages pour l’île déserte. Il contient à peu prés tout ce que j’aime et lorsque je l’ai vu, à sa sortie, j’ai eu du mal à m’en remettre. Je pense néanmoins, avec le recul, que s’il demeure pour moi la référence absolue, c’est étroitement en rapport avec ma vision de la vie et de la nature humaine. Mon avis est donc très subjectif.

     

    Le personnage de Fausto, interprété, ou plutôt incarné, par Vittorio Gassman, est ce je j’appelle un personnage tragique. Au sens qu’en donnait Albert Camus quand il disait : « Le tragique, comme un grand coup de pied au malheur ». La scène ou Fausto chasse l’aveugle qui fait l’aumône, à la terrass du café ou il se désaltère avec son ordonnance, Ciccio, est typique, à cet égard.  Refusant le misérabilisme, il ne supporte pas qu’un aveugle, comme lui, se serve de son handicap pour apitoyer les badauds.

     

     

    Autre exemple: Dans sa discussion avec son cousin prêtre, qu’il ne cesse de mettre mal à l’aise à dessin, chaque fois que ce dernier, fait preuve à son égard de compassion.

     

    Cette fierté, cet orgueil, ce  refus de s’apitoyer sur son malheur, c’est cela qui donne au personnage de Fausto sa dimension tragique.

     

    Jusqu’à la dernière scène du film, il mettra un point d’honneur à se tenir debout, se moquant de lui-même et se montrant agressif, chaque fois qu’il sent pointer la moindre compassion.

     

    Mais il sera vaincu par sa peur de mourir. Sa tentative de suicide ratée, projetée en commun et en cachette avec son ami Vincenzo, aura raison de  sa résistance. Il se verra alors pitoyable et humain. Et c’est avec humilité qu’il acceptera l’aide de Sara…

     

    « Sais tu marcher, Sara ? »…

     

    Cette question que pose à la jeune femme un Fausto épuisé, hagard, sale et tremblant, la cravate de guingois -alors que l’homme s’est toujours montré d’une élégance rare tout au long du film - dans les derniers plans du film, m’a émue aux larmes.

     

     

     

    Qui est Sara ?

     

     

     

     

     

    Lorsqu’il arrive chez Vincenzo, à Naples, quelques jeunes femmes habitent la maison de son ami.

     

    Fausto s’amuse avec elles, tentant de les attraper afin de les peloter gentiment, par jeu.

     

    Parmi ces jeunes femmes insouciantes et rieuses, se trouve Sara.

     

    Sara est amoureuse de Fausto. Celui-ci le sait et, parce qu’il pense que son amour est empreint de pitié, il feint de l’ignorer. Lorsque celle-ci tente de s’approcher, il la repousse cruellement. (Scène magnifique ou Fausto, aveugle, courant après les filles qui s’enfuient en riant, trébuche sur Sara, dont les magnifiques yeux bleus, embués de larmes le regardent s’avancer, mains tendues.

     

    (Photo de l'affiche du film)

     

     

    Il la touche et, s’apercevant qu’elle ne fuie pas ses caresses, il devine que c’est elle. Il se moque d’elle en riant, et la repousse ensuite, méchamment.

     

    Nous, spectateurs, qui avons la chance d’avoir les yeux ouverts, avons compris que l’amour de Sara pour Fausto est sincère, authentique.

     

    Nous savons qu’elle a pris la mesure de l’homme et qu’elle respecte et aime sa fierté, son orgueil, sa…détresse.

     

    Elle sait la difficulté qu’il y aura à vivre avec cet aveugle irascible et à vif. Mais elle a confiance en elle, en son amour pour cet homme, hors du commun.

     

    Vous trouverez plus bas, en vidéo, comment elle définit elle-même, le personnage de Sara.

     

    Voila. Juste quelques phrases sur ce film, qui reste encore aujourd’hui, pour moi, un pur joyau.

     

    A siganaler également que tous les rôles sont interprétés avec justesse.

     

     

    J’adore enfin la musique dont je vous donnerai également un aperçu, au piano.

     

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    Mais je n’ai pas été le seul à aimer ce film, bien entendu, même si pour moi, il fut une des « rencontres » de ma vie….

     

    Voici les commentaires de Nicolas Houguet,

     

    trouvés sur Internet et qui rejoignent, mieux développé que ce qui précède, mon enthousiasme pour cette oeuvre.

     

    Avec la sortie de Parfum de femme en DVD, revenons sur ce classique du cinéma italien. Il vaut avant tout pour l'interprétation exceptionnelle de Vittorio Gassman dans le rôle de cet aveugle fascinant, qui entraîne son jeune guide, dans une odyssée de débauche, de cynisme, de dérision et de désespoir. Le film de Dino Risi a des accents de comédie grinçante, d'humour noir et irrévérencieux, une dimension provocatrice également, notamment dans les scènes avec les prostituées ou seulement par les mots, mordants et cruels de son personnage principal, Fausto. Mais c'est surtout une histoire sur la désillusion absolue, celle d'un homme qui se croit fini. Par bravade, il se réfugie dans le mauvais esprit, repousse férocement l'amour d'une belle jeune femme (Agostina Belli) ou la promesse d'une rédemption. Pendant tout le film, il se refuse la possibilité de vivre.

     

    La politesse du désespoir

     

    Ainsi on le découvre dans son appartement, où il vit avec sa tante, recevant le jeune homme réservé qui est chargé de veiller sur lui. Il y taquine un chat qui le hait et qu'il surnomme « l'assassin castré ». D'ores et déjà, le ton de Fausto est celui de la dérision. Il ne respecte absolument rien, condamne tout en bloc, s'emploie à tout tourner en ridicule et à se rendre difficilement supportable. Très vite, on sait que sa seule fascination ce sont les femmes, dont il détaille le parfum en esthète. Hors d'elles, la vie est une mauvaise farce qu'il tient à accueillir avec une ironie universelle et un éclat de rire qui est, comme chacun sait, la politesse du désespoir.

     

    Gassman tient admirablement ce paradoxe. Enchaînant des gestes presque bouffons (lorsqu'il crache à la fenêtre du train en espérant que quelqu'un passe, lorsqu'il fait semblant d'être manchot et aveugle pour qu'une jeune bonne soeur l'aide à pisser...), on voit très vite que sa bravade magnifique, ses paroles farouches et son humour acéré ne sont que l'expression de son désespoir et de sa pudeur dans la souffrance.

     

    Fausto est également un mentor pour son jeune compagnon. C'est presque un récit d'apprentissage pour celui qu'il s'obstine à surnommer « Ciccio » et dont il fait son souffre douleur. Il l'emmène dans les quartiers chauds, l'incite à lui choisir une pute (« grande, brune et avec un gros cul »), s'amuse à le tyranniser. Mais, à côté de cet aspect tapageur, l'aveugle a une prestance, une élégance, un port aristocratique, comme un grand seigneur déchu. Ainsi, ses provocations prennent une dimension double, une démarche presque contestataire et anarchiste alliée à une volonté d'autodestruction qui s'affirme de plus en plus. Au dessus de lui, derrière son rire un peu forcé et carnassier, il y a en permanence l'ombre de la mort et de la résignation.

     

    On le voit retrouver un cousin à Rome, homme d'église dont bien entendu, il raille la prétendue vertu. Fausto ne respecte absolument rien, ne croit plus en rien, sinon au corps des femmes, à leur grâce et à leur parfum, à leur étreinte ou pendant un moment, il pourra quérir un peu d'oubli, même si ce n'est que fugace. Même ce seul plaisir paraît triste, puisqu'au fond, il n'est que superficiel. Il devient assez vite clair que derrière ses sarcasmes, son sadisme occasionnel, son cynisme dévastateur, il n'y a plus aucun espoir. Si Fausto est noble et déchirant, c'est qu'on sent qu'il tire sa révérence, s'accordant quelques plaisirs et quelques débauches, quelques blasphèmes, avant d'abandonner.

     

    Si le film est beau, c'est encore par cela, dans ce vertige d'ivresse et de jouissances désenchantées où ce héros tente de se perdre. On le voit dans une très belle scène : lorsque Fausto est entouré de femmes nues, dans cette chambre d'hôtel où il les poursuit, hilare, son masque tombe soudain. Il tombe sur Agostina Belli, qui l'aime de longue date. Il garde le masque lubrique qui est le sien pendant cette séquence. Il l'humilie, avec sa cruauté habituelle qui n'épargne personne. Elle sort de la pièce. Un gros plan sur le visage de Gassman qui a perdu totalement son sourire et sa gouaille, qui est marqué d'une tristesse insondable. La vérité du personnage et du film est là, bouleversante. S'il est abject ou sulfureux, c'est parce que cet être raffiné est trop fier pour livrer sa détresse au grand jour. S'il est infréquentable, ce n'est que par pause, comme la défense de quelqu'un qui se refuse la possibilité d'être aimé.

     

    Ainsi Dino Risi décrit le malaise profond de son héros, sans jamais l'exprimer dans les dialogues, avec un sens de la suggestion et de la pudeur absolument remarquable. On sent que l'infirme est pris dans une profonde dépression, qu'il s'est avoué vaincu et à terre. S'il attaque, c'est avant tout parce qu'il est blessé, profondément et mortellement, et qu'il ne laissera personne s'apitoyer sur son sort. Alors il va peloter une fille en boîte de nuit en se ruinant en champagne, provoquer une bagarre, s'étourdir. Il veut duper tout le monde en jouant les mauvais sujets sans morale. Il passe son temps à tenter d'atteindre ce but : conquérir l'isolement, la solitude et le mépris de tous. Il ne se respecte plus et ne veut pas de l'estime d'autrui. Il se saborde et parvient presque à sombrer.

     

    Sara ou la rédemption

     

    L'habileté de Dino Risi est de montrer à quel point Fausto est en représentation permanente, à travers le jeu habilement et finement outré de Gassman. Les éclairs de vérité -et de sobriété- n'en sont que plus spectaculaires. On sent qu'à la fin du film, il accomplit un dessein plus obscur. Là encore, le cinéaste nous laisse deviner et craindre pour le sort de ce beau diable. A ce maître en duperie, en dissimulation, dont le seul plaisir semble être de choquer le bourgeois, Risi oppose la pureté et la beauté de Sara (magnifique Agostina Belli), éprise de lui au delà de tout et malgré tout. Elle est le symbole de ce qu'il s'emploie à renier en lui, l'incarnation de l'innocence et de la grâce, de la félicité qu’apporte parfois l'existence.

     

    Il y a une grande obstination dans l'amour que Sara éprouve pour Fausto. Et il ne peut la repousser car lui-même reconnaît la monstruosité de faire souffrir une femme qui l'aime si fort. Donc il l'ignore, il la repousse, il la dégoûte. Pourtant, elle est là, imperturbable, dans l'attente d'un signe de lui. Mais il refuse d'afficher sa peur, il a conscience d'être condamné à une vie de solitude et de ténèbres. Il a pris le parti d'en rire et d'en mourir. Sa méchanceté devient alors un pur réflexe de fierté et d'amour propre. Il refuse absolument que l'on s'attendrisse sur son sort. Plus profondément, il refuse d'emporter quelqu'un dans sa tristesse et son enfer intime. Cela ne fait qu'ajouter à sa noblesse et enrichir la prestation de Gassman. Pourtant, elle ira vers lui, même s'il la repousse de toutes ses forces.

     

    Sara est toujours un peu à l'écart, un peu spectatrice des vices dans lesquels il se perd. Lorsqu'elle s'approche au milieu de jeunes gloussantes qui demandaient à Fausto de leur lire les lignes de la main, il se fait grave, ne dit rien, et pose seulement la main de la jeune fille sur la sienne. Il l'exclut tacitement de sa perdition. Son regard sur le monde est universellement désabusé. Sara seule a sa grâce. Et elle sera sa rédemption, après sa sortie ratée.

     

    Après l'outrance, le vacarme et les péchés dans lesquels il a tenté de se perdre, il y a ce dénouement tout simple, à l'écart dans une maison de campagne. Fausto est seul avec Sara. Peu familier des lieux, il tombe sur le terrain accidenté. Se croyant seul, il l'appelle très fort, admet qu'il a besoin d'elle. Elle est là. Elle le relève. Il lui demande si elle se sent prête, affirmant que « c'est dur d'accompagner un aveugle ». Cette réplique finale semble s'adresser également au spectateur. En effet, c'était éprouvant de l'accompagner dans sa dérive, jubilatoire également, sensuel mais jamais de tout repos. On était un peu à l'image du jeune Ciccio, déroutés par son attitude fantasque et désespérée. Certes c'était dur. Mais c'était également magnifique.

     

    A l'image de Sara, on s'est pris d'affection pour ce beau démon cynique et glorieux. C'est ainsi, par cette étrange empathie que l'on se souvient de Parfum de femme.

     

    Il y a dans l'oeuvre de Risi une dimension de rédemption magnifique, lorsque le héros sort de ses tourments grâce à la bienveillance inébranlable d'une femme. C'est une émotion rare qu'il inspire, ménagée tout au long du film, avec une belle subtilité. Parfum de femme demeure une référence immense, notamment grâce à ce final où Fausto choisit la vie, in extremis, où il saisit sa deuxième chance en acceptant enfin d'être aimé. Vittorio Gassman et Agostina Belli ont le visage apaisé dans une belle lumière campagnarde (alors que le reste du film se passait en ville). A l'image du reste du film, cette conclusion est merveilleuse de pudeur et de suggestion. L'avenir et le bonheur sont enfin redevenus une possibilité, Fausto, après un long combat contre lui-même, a enfin perdu sa rage et gagné son salut. C'était un beau voyage au coeur des ténèbres, avec cette lueur, fragile et belle au bout du tunnel.

     

    Si après ça, vous n’avez pas envie de voir ce film, si vous ne l’avez pas déjà vu, c’est que…beh, je ne sais que dire de plus !!!!!!

     

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    Vidèo d’ interview d' Agostina Belli 

     

     

    Aperçu audio de la musique du film.

     

     

     

    Voir des extraits du film en version originale sous titrée à cette adresse:

     

    Extraits videos "Parfum de femme"

     

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